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Une justice pas très claire - Miguel Benasayag

samedi 1er mai 2004


Bonjour tout le monde,

Aujourd’hui, voyez, en France, à la prison de Bapaume, dans le Pas-de-Calais, une femme de quarante-sept ans, Nathalie Ménigon, est en grève de la faim, pour demander simplement son transfert dans une prison où elle pourrait être soignée. Vous direz : « Ah, Nathalie Ménigon ! Ah oui, la militante d’Action Directe ! » Aujourd’hui, Nathalie Ménigon, dix-sept ans après son arrestation, est surtout une femme qui a souffert de plusieurs accidents cérébro-vasculaires. Elle est aujourd’hui hémiplégique. Elle est dans un état physique et, en partie aussi psychologique, catastrophique. Elle mesure 1,71 m et elle pèse au jour d’aujourd’hui 47 kg.

Et bien, on se rappellera par exemple qu’après son premier accident cérébro-vasculaire, elle a fait une grève de la faim pour pouvoir avoir le droit d’avoir un petit chat dans sa cellule. Alors vous direz : « Dérisoire ! » Dérisoire, non. Ce n’est pas dérisoire, c’est aussi une chronique de la cruauté ordinaire - cela lui a été refusé ! Condamnée à dix-huit ans de prison, elle a donc déjà purgé dix-sept ans, mais elle demande aujourd’hui simplement le transfert dans une prison où elle puisse être soignée, je crois que c’est celle de Fresnes.

Et aussi, vous savez, elle demande à bénéficier de ce à quoi elle aurait droit, de la loi Kouchner qui permet à certains prisonniers dans un très mauvais état physique de connaître ce qu’on appelle la suspension de peine.

Mais alors, bien entendu, comment ne pas penser à Papon, qui aurait un seul, mais un seul point commun avec Nathalie : celui, soi-disant, d’avoir une santé très mauvaise. Mais lui, il a bénéficié de la loi Kouchner. C’est le seul point commun, car, figurez-vous, Nathalie Ménigon, elle, elle n’a pas déporté des enfants juifs, elle n’est pas responsable non plus du massacre des Algériens du 17 octobre 1961. Elle, contrairement à Papon, a eu le courage de revendiquer ses actes et ce qu’elle pensait. Et, en plus, bien sûr, elle n’a pas été ministre de Giscard d’Estaing ! Comment ne pas voir là une sorte de cruauté, de revanche contre les groupes militants ?

Et bien, nous avons parlé il y a quelques jours des « années de plomb », par rapport à Cesare Battisti, et du besoin urgent qu’une justice non revancharde s’exerce en Europe par rapport à ces années-là.

Mais, surtout, il ne faut pas oublier que si Ménigon, à un moment de sa vie, a exercé des actes violents, des actes illégaux, c’était parce qu’elle percevait notre société comme trop cruelle, trop injuste, trop brutale. Effectivement, elle a vu tellement dur l’ordre social actuel qu’elle s’est révoltée avec violence.

Et bien, aujourd’hui, aujourd’hui, certaines personnes dans le pouvoir sont en train, peut-être, de lui donner raison.

Miguel Benasayag

France-culture, 27 février 2004




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