logo nlpf
Mobilisations Communiqués Matériel et Propagande Militant-e-s d'AD Bulletins Liens Lettre d'inf@

Nlpf!

Collectif pour la libération des militant-e-s d'Action directe

Abonnez-vous à notre lettre d'info

Nous contacter

Collectif Nlpf! c/o LPJ
58, rue Gay-Lussac
75005 Paris

nlpf (a) samizdat.net

Rechercher sur le site



Mobilisations

Bulletins

Matériel et propagande


L’Engagement - Joëlle Aubron

vendredi 1er juin 2001


GIF - 20.1 ko

Le parfait voyageur ne sait où il va

Lie Tseu (1)

L’engagement, s’engager ; nom commun ou verbe, le début de l’histoire est ce pourquoi on le fait. S’y entrelacent rejet des injustices et inégalités, vouloir y mettre terme, tenter un ici et maintenant différent et porteur d’avenir, circonstances et rencontres ; un flux inextricable d’émotions, des intimes, des collectives, dont la conscience se nourrit. Un processus et des alchimies. Les conditions historiques, les luttes et rêves collectifs de l’heure organisent les rencontres ; les rencontres donnent de la matière aux premiers.

Dans l’engagement, il y a spontanéité et décision mûrement réfléchie. La part de l’une et de l’autre est indéterminée. Elles augmentent ou diminuent en une tuyauterie communicante qui forge la détermination.

L’engagement peut nous dépasser, exiger de nous bien au-delà de nos possibilités premières, de ce que l’on croit en savoir. Pour autant, avant tout, il nous porte. Il est courant de penser qu’on s’engagerait, sur d’avoir raison. Je n’en crois rien. Je n’ai jamais pensé détenir la vérité ; je me suis contentée d’espérer ne pas avoir tort.

Ce n’est pas une réponse de Normande. Si d’hésitations en fulgurances, j’ai avancé, ce fut autour d’un questionnement. Plusieurs même où se décline de contribuer à élaborer un autre futur. La balance peut sembler mal équilibrée ; des choix aussi définitifs pour une contribution, simultanément, forte et incertaine. Cependant, l’équilibre se fait. D’un côté, une suite de choix, guidés par le souci d’être cohérent, avec soi-même aussi. Dans le second plateau, la lucidité sur l’éternelle incertitude ; elle-même compensée par la motivation et le sentiment de participer à une histoire commencée bien avant soi.

Aujourd’hui, après 14 ans de prison dans des circonstances difficiles, cette aspiration ne m’a pas désertée. Il y a même des jours où je me demande si ce n’est pas la violence des hauts murs qui la conserve si vivante. La misère sociale, culturelle, humaine même parfois, peut provoquer le sentiment d’impuissance. Mais, si rejeter l’impuissance est au cœur de l’élan vital ?

Il y a un permanent aller-retour. Nous avons été vaincus ; et quand je dis nous, ce ne sont pas seulement ceux d’A.D, c’est une génération entière de militants révolutionnaires, voire plusieurs, un continuum d’engagements dont les rêves n’ont pas pu, pas su se matérialiser Et alors ? Pourquoi en être découragée ?

A l’instar de ceux et celles nous ayant précédé, nous avons appris et apprendrons encore. Le courage avait surgit de la nécessité. La nécessité prenait sa source en deux dynamiques, inextricablement lices ; ce pourquoi et ce contre quoi on se bat. Le choix de la lutte armée n’est pas au centre. Elle est un moyen, la conséquence d’un moment historique, le fruit d’un développement dans l’histoire révolutionnaire.

Néanmoins, risquer sa vie mais aussi assumer la violence dans nos sociétés développées peut paraître extrême. Et sans doute, plus encore la seconde implication. Justement parce que les représentations de "l’homme civilisé" s’acharnent à nier l’omniprésence d’une violence destructrice dans les rapports économiques et sociaux, et par là politiques. Face à la violence brutale de l’ordre des choses tel qu’il est donné, seuls seraient admissibles les moyens dit démocratiques. Et l’impact du message de se renforcer encore dans le matraquage idéologique selon lequel le régime politique dominant serait le moins pire des systèmes possibles. Je n’ai pas envie d’énumérer ici les guerres, les massacres, les destructions irrémédiables... que produit ce prétendu moins pire. Pas seulement parce que ce serait fastidieux, c’est inutile ; l’histoire humaine n’est pas un bilan comptable. Mesurant l’inquantifiable, la comptabilité est irresponsable.

Or l’engagement questionne la responsabilité. Contre les hypocrisies confortables, il déploie ses questionnements, met à nu les contradictions et repose sempiternellement la question des limites. La loi n’en est qu’une parmi d’autres ; légalité n’est pas légitimité, les exemples ne manquent pas, du Code Noir aux Lois de Nuremberg. Plus essentielles, celles dont Sartre rend compte dans "Les mains sales", le moment où l’on accepte de se salir les mains, celui où l’on refuse, celui où l’on se soumet à une discipline supérieure - quelle qu’elle soit -, celui où le but ne transcende plus les moyens. Un nécessaire questionnement pour que reste toujours ouverte la contradiction et en éveil la conscience. Mon engagement politique fut toujours parcouru par les questions qui avaient surgi à cette lecture, adolescente.

Contre la barbarie d’une organisation sociale prédatrice, balayant le dégoût et la haine, la colère et la révolte ouvrent la perspective. A interpréter notre réalité selon le credo de nos maîtres à "penser’’, nos désirs et nos ambitions se calculeraient à la progression du CAC40 pour les uns, à la sortie des cases de l’exclusion pour les autres La découverte des exclus a accompagné "l’avènement" d’une prétendue fin de l’histoire, ce n’est pas un hasard. C’était il y a dix ans. Aujourd’hui, nous n’en sommes plus là, les ambitions pour faire coïncider démocratie politique et démocratie sociale, la soif de justice... les désirs d’en finir avec la tristesse de l’impuissance alimentent à nouveau la nécessité de cette perspective, celle d’un monde réconcilié avec les vivants. La lutte armée ne semble exceptionnelle que si l’on perd de vue la longue histoire de luttes des exploités et autres bannis pour se construire un devenir digne de leur humanité.

Je me suis engagée parce que cela me sembla évident. J’en avais l’opportunité, cela convenait à ma perception de ce qu’il fallait faire et de ce que je pensais possible. Le coût était approximatif, imaginé mais non vécu. Pour autant, n’est-ce pas le lot de chacun ?

« Etre un homme, une femme, veut dire, joyeusement jeter sa vie entière dans la balance du destin, s’il le faut, mais aussi se réjouir d’une journée lumineuse, d’un beau nuage ». En 1917, alors incarcérée, Rosa Luxemburg écrivait ces lignes à une amie dans la peine. Et puisque justement, contr e les logiques mortifères du régime capitaliste, il s’agissait et il s’agit encore de "miser sur la vie"2, I’engagement est une manière de vivre. Elle a le fantastique avantage de nous faire sujets de notre destinée. « Les hommes font leur histoire eux-mêmes, même si dans des conditions historiquement déterminées » (3)

L’engagement, c’est à la fois le vieux mythe de Prométhée, volant le feu aux Dieux pour que les hommes ne dépendent plus de leurs forces aveugles et arbitraires, et la tenace volonté faisant des illusions perdues des forces d’avenir.

(1) IVe siècle av. J.C.

(2) Une expression que je tire du livre d’entretiens avec d’ex-prisonnières des Tupamaros, mouvement révolutionnaire uruguayen dans les années 60 et 70. Avec des nuances, plusieurs de ces femmes, revenues de conditions extrêmes dans les prisons militaires,témoignent du sens de leur combat en parlant de ce « pari ».

(3) Karl Marx




Accueil du site > Bulletins > NLPF-4 juin 2001 > L’Engagement - Joëlle Aubron

Ecrire aux militants d’Action directe incarcérés !
 
Georges Cipriani
n°écrou 5250/2108
M.C. Ensisheim
40, rue de la 1re Armée
68190 Ensisheim 


Jean-Marc Rouillan
n° écrou 9590B130
Centre de détention de Muret
route de Seysses
31600 Muret



Communiqués

Militant-e-s d'AD

Infos diverses