Hommage à Joëlle Aubron,
Paris, le 18 mars 2006, au Mur des Fédérés
Le 1er mars 2006, notre camarade et amie, Joëlle Aubron, nous a quittés. Nous
nous retrouvons aujourd’hui dans ce lieu marqué par l’histoire du mouvement révolutionnaire, pour un hommage collectif à une militante qui a consacré sa
vie à la lutte, avec les mêmes idéaux que les communards.
Le 18 mars 1871, les ouvriers parisiens insurgés montent à l’assaut du ciel.
Après 74 jours de remise en cause de l’ordre bourgeois, les barricades
défendues par les Fédérés tombent, l’une après l’autre, sous l’assaut des
troupes d’Adolphe Thiers qui massacrent à tour de bras hommes, femmes et
enfants, et achèvent les blessés dans les rues de Paris. Mais la Canaille,
pieds nus et en guenilles, le peuple des miséreux, des laissés pour compte, des
communeux, criera une dernière fois encore « Vive la Commune ! », avant de
tomber au pied d’un mur du Cimetière du Père Lachaise, sous les balles des
fusiliers marins. Nous tenons particulièrement aujourd’hui à évoquer leur
mémoire devant le Mur des Fédérés, avec l’immense espoir qu’il nous ont légué
en mourant, celui d’un monde meilleur et de la solidarité fraternelle des
hommes.
Pendant les deux mois et demi qu’a duré la Commune de Paris, un fantastique
élan de justice sociale a émergé, porté par des avancées considérables qui
témoignent des aspirations révolutionnaires en germe pour une société future.
Parmi les plus significatives, dont certaines restent encore aujourd’hui à
conquérir :
L’interdiction du travail de nuit des enfants
Le développement de l’enseignement des filles
La démocratie directe avec les Assemblées Générales souveraines, et le principe de révocabilité des élus du peuple à tout moment
L’internationalisme prolétarien
La déclaration de la séparation de l’Eglise et de l’Etat
Enfin, l’abolition de la peine de mort...
Joëlle a été cette gamine révoltée par l’injustice et qui se sentait
privilégiée. Alors, elle a quitté la maison trop belle...elle a rompu ses
amarres, en quête d’une vie moins conventionnelle, d’une société plus juste.
Elle a vécu dans les squats, de bric et de broc, comme beaucoup d’autres,
tentant d’exister autrement. Puis elle s’est rendu compte que si tout cela
changeait sa propre vie - et aussi celle de l’îlot où elle vivait - ça ne
remettait pas en question les fondements de la société, ça n’avait aucune
chance de faire bouger les hommes, ni de les amener à prendre eux-mêmes leur
destin en main.
Voici ce que disait Joëlle lors d’une interview :
« Dans mon vécu, il y a des choses que j’ai considérées au départ comme étant «
injustes », et puis, à mesure des rencontres, ce sentiment d’injustice s’est
traduit en des termes plus politiques. Et à un moment donné, le choix de
prendre les armes est devenu la solution la plus cohérente avec ce que je
ressentais. »
Faisons un saut dans le temps : fin des années soixante, le fond de l’air est
rouge. Les peuples se révoltent et mènent des luttes de libération
anti-impérialistes, anti-colonialistes. Dans les pays dits riches, de plus en
plus nombreux sont ceux qui apportent une contribution concrète à la libération
des peuples opprimés - lutte anti-franquiste, solidarité avec l’insurrection des
peuples indochinois, d’Afrique du Sud, de Palestine ou d’Irlande, avec les
victimes des dictatures sud-américaines... Ils ont la conviction qu’il est
possible et nécessaire d’agir pour construire un autre monde libéré du capital.
C’est dans cette logique que s’inscrit Joëlle lorsqu’elle choisit le combat
d’Action Directe.
Quel hommage plus symbolique pouvions-nous lui rendre qu’en nous rassemblant
dans ce lieu ? De la Commune de Paris à l’engagement politique de Joëlle dans
la lutte armée, c’est la longue file rouge des combattants pour la liberté qui
s’avance et c’est cet esprit de résistance et de lutte qui nous relie à elle.
Son plus long combat, Joëlle l’a mené en prison. Durant dix-sept ans, elle
gardera intacte cette volonté de lutter collectivement. De « Front », le
journal commun des prisonniers d’Action Directe, aux grèves de la faim pour le
regroupement, elle a défendu pied à pied ses convictions politiques, avec une
détermination inébranlable qui impose le respect.
Chers camarades, la diversité des délégations ici représentées, ainsi que les
témoignages qui nous sont parvenus d’un peu partout, attestent, s’il en était
besoin, du caractère internationaliste du combat de Joëlle qui est aussi le
nôtre. Car le dernier qu’elle a mené dehors fut celui pour la libération de
tous ses camarades encore emprisonnés, et cet engagement nous le poursuivrons.
Adieu, Joëlle. Certes, nous ne t’avons pas tous rencontrée à la même époque mais
celles et ceux qui t’ont connue, que ce soit avant ou après ta longue peine de
prison, n’oublieront pas ton rire moqueur, ta fantaisie, ton appétit de vivre
et ta force exemplaire face à toutes les situations, même les plus
douloureuses. Tu as été jusqu’au bout de ta résistance sans jamais te plaindre,
sans jamais capituler. C’est ainsi que nous t’avons aimée et c’est l’image que
nous garderons de toi, toujours rebelle, toujours debout !
POUR LA LIBERATION DE TOUS LES MILITANTS D’ACTION DIRECTE EMPRISONNÉS !
POUR UNE SOCIÉTÉ SANS CLASSES ET SANS PRISONS !
VIVE LA COMMUNE !