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Joëlle Aubron et Nathalie Ménigon plus dangereuses que Papon ? - Maurice Rajsfus

samedi 1er mai 2004


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Prison de Bapaume, 13 septembre 2003, manifestation de soutien à l’appel de Nlpf ! et du Secours rouge international

En quels temps vivons-nous ?

La justice a cédé le pas à la vengeance.

Qu’en est-il du respect des lois de la République ? Il paraît qu’il y a une loi Kouchner pour libérer les prisonniers gravement malades. Qui pourrait affirmer cela ? Seul Maurice Papon, peut-être, qui a pu quitter la prison de la Santé, après trois ans d’emprisonnement, en faisant un bras d’honneur aux 1680 Juifs de Bordeaux qu’il a contribué à expédier dans les camps d’extermination. Maurice Papon, malgré ses quatre-vingt treize ans, n’est pas vraiment malade et jouit d’une liberté pleine et entière. Joëlle Aubron n’a qu’un cancer au cerveau. Peu de choses, en somme. Nathalie Ménigon est également en grave danger mais les verrous de leur prison ne semblent pas près de s’ouvrir. Peut-être a-t-on perdu les clés...

En quels temps vivons-nous ? On a libéré Maurice Papon, au nom d’un humanisme charitable, mais Joëlle Aubron est parfois menottée sur son lit, dans un hôpital sous haute surveillance. Des policiers rôdent dans les rues, autour de la douillette résidence de Maurice Papon, mais c’est pour le protéger de possibles intrus qui viendraient lui rappeler les morts de Bordeaux, mais aussi ceux du pont Saint-Michel et de Charonne. D’autres policiers montent la garde devant la chambre de Joëlle Aubron mais leur mission est nettement moins conviviale. On a récemment libéré Loïc Le Floch-Prigent. Celui-là s’est largement goinfré sur les deniers de l’État et donc des contribuables. Le Floch est malade, mais sa vie n’est pas en danger. Il se trouve seulement que cet escroc était un grand commis de l’État. Tout comme l’avait été Maurice Papon.

En quels temps vivons-nous ? On nous explique que libérer Joëlle Aubron et Nathalie Ménigon - après dix-sept ans de prison - pourrait provoquer un trouble à l’ordre public. Billevesées : toutes deux ne quitteraient la prison que pour un lit d’hôpital. Le véritable trouble à l’ordre public a été créé par la libération de Maurice Papon à qui, semble-t-il, l’État chiraquien a finalement pardonné. En fait, le trouble à l’ordre public est provoqué par cet État, de plus en plus policier, qui espère régler ses difficultés en maintenant en prison les grands malades qu’il ne faut libérer sous aucun prétexte.

En quels temps vivons-nous ? Quelle est la logique de cet acharnement judiciaire et policier ? Il est clair que, pour ce pouvoir, il ne faut pas que les quatre d’Action directe puissent un jour retrouver la liberté. Quel que soit leur état de santé ! La sollicitude ne profite qu’aux assassins d’État et aux escrocs en col blanc qui ne représentent aucun danger pour les institutions, dont ils sont l’émanation. Dans notre démarche, il n’est pas question d’idéologie mais de simple solidarité. En revanche, pour ceux qui détiennent les clés des prisons, leur survie morale est peut-être au prix de l’enfermement de quatre militants perdus, rendus malades par le système carcéral.

Qui pourrait hésiter à exiger une remise en liberté qui ne serait qu’une simple mesure humanitaire ? Encore une fois, il ne s’agit pas de charité. Les deux prisonnières de Bapaume ne demandent pas l’aumône mais la solidarité. Nous la leur devons !

Nous sommes là pour dénoncer une attitude de vengeance à perpétuité. Nous sommes là pour exiger la libération de tous les prisonniers malades, y compris ceux d’Action directe. Nous sommes réunis pour rejeter cette justice haineuse qui sélectionne ses bons et mauvais sujets. Il faut bien constater que ces choix ne sont jamais innocents. Dénoncer cette situation doit faire de nous des coupables potentiels...

Maurice Rajsfus, Observatoire des libertés publiques




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