Mise en œuvre d’un programme d’anéantissement carcéral
Joëlle Aubron, Georges Cipriani, Nathalie Ménigon et Jean-Marc Rouillan sont incarcérés depuis 17 ans. Régis Schleicher, emprisonné depuis 21 ans, est libérable depuis des années, mais ses demandes de conditionnelle ont toujours été refusées. Ces militants et militantes ont subi pendant de longues années des conditions de détention d’exception. Ce n’est qu’au prix d’une résistance permanente qu’ils et elles ont pu survivre à l’arbitraire carcéral et à leur élimination programmée. Des années de lutte et des grèves de la faim ont été nécessaires pour qu’ils sortent de l’isolement, puis pour contraindre l’Administration pénitentiaire et la Chancellerie à reconnaître la gravité de l’état de santé de Georges Cipriani et de Nathalie Ménigon.
Une justice de classe !
Atteinte d’une tumeur métastasique au cerveau, Joëlle Aubron a été opérée le 16 mars 2004 au CHRU de Lille. Durant son hospitalisation, elle fut menottée à son lit plus de dix jours, parfois même aux deux bras. Si nos protestations ont permis de faire cesser cet acharnement grâce à une « injonction médicale », nous sommes en droit de nous interroger sur les conceptions éthiques de « soignants » qui ont toléré aussi longtemps cette situation. Une procédure de suspension de peine est en cours depuis lors ; elle fut examinée en première instance le 3 mai. La cour, s’estimant insuffisamment renseignée, demanda un complément d’expertise et renvoya sa décision une première fois au 10 mai, puis au 28. Quels nouveau prétexte trouveront-ils à cette date ? Tout cela ressemble trop à une mise en scène destinée à perdre du temps face à la seule décision qui permettrait à Joëlle d’être soignée efficacement : la libération immédiate. Nous dénonçons le rôle de supplétifs joué par les « experts » médicaux, dont l’un ose écrire dans son rapport que bien que « le pronostic vital [soit] engagé à court terme », le maintien en détention reste possible.
Après avoir brutalement annoncé à Jean-Marc Rouillan que ses jours étaient comptés, qu’il était atteint d’un cancer du poumon avancé, de nouvelles analyses concluraient à l’absence de cancer. Le premier diagnostic fut tout d’abord confirmé, puis mis en doute. Quoiqu’il en soit, a ce jour, Jean-Marc n’a toujours reçu aucun soin. Des examens complémentaires sont programmés, mais repoussés de mois en mois. Lorsqu’on sait la rapidité d’intervention qu’exige la pathologie qu’on lui suppose, on peut juger de la fiabilité et de la célérité de la « médecine » appliquée aux prisonniers.
Le 9 avril, la cour d’appel de Paris a rejeté la demande de suspension de peine pour raison médicale de Nathalie Ménigon, au prétexte de prétendus « risques de troubles à l’ordre public ». Ces mêmes « risques » n’avaient pourtant pas empêché la suspension de peine de Papon deux ans auparavant. La veille du procès de Nathalie, la même juridiction faisait libérer Le Floch-Prigent, ancien PDG d’ELF, considérant que le « pronostic vital » était engagé « sans qu’il soit besoin d’établir dans quel délai ». Le 13 mai 2004, un autre dirigeant d’Elf, Sirven, était libéré, d’après des articles de presse, pour raison médicale au motif de « risques d’accident vasculaire-cérébral (AVC) ». Pour Nathalie Ménigon, il ne s’agit pas de « risques », mais de deux AVC avérés (peut-être trois) dont elle a été victime en détention. De plus les AVC de Nathalie n’ont été traités que tardivement, de façon sommaire et dans des conditions révoltantes. Voilà bien l’illustration criante du caractère de classe de cette « justice » qui libère les commis de l’État et pratique l’acharnement contre ceux qui le combattent !
Georges Cipriani, actuellement détenu à la prison d’Einsisheim, avait dû être interné à l’hôpital prison de Sarreguemines pendant un an et demi, suite aux graves problèmes psychiatriques qu’avaient déclenchés des années d’isolement.
Au-delà des procédures de suspension de peine en cours, le 5 mars 2005 prendra fin la période de sûreté incompressible de 18 ans, infligée par la Cour d’assise spéciale à Joëlle Aubron, Georges Cipriani, Nathalie Ménigon et Jean-Marc Rouillan. Le code de procédure pénale permet donc d’envisager leur libération à court terme. Mais les refus systématiques aux demandes de libération conditionnelle de Régis Schleicher, libérable depuis 5 ans, nous enseignent que le « droit » n’a que peu à voir dans le traitement de ce dossier. Seule l’ampleur de notre mobilisation permettra de les arracher aux griffes d’un État qui a visiblement programmé depuis longtemps leur mort lente en prison.
Collectif Ne laissons pas faire !