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Joëlle Aubron, l’âme et le spectre

samedi 18 mars 2006, par Frédéric Oriach, Mikel Lapeyre


« Un spectre hante l’Europe. Ce spectre, c’est celui du communisme »,

nous disait déjà le vieux Karl, il y a plus d’un siècle.

La bourgeoisie n’a pas réussi à exterminer ce spectre-là, parce qu’il n’est pas un, il est dix, il est cent et mille, il est des millions des nôtres. Il est collectif, il est notre spectre forgé des âmes innombrables de tous ceux qui se levèrent un jour pour la dignité, pour la justice, pour le communisme et qui donnèrent leur vie pour que celle des générations à venir vaille d’être vécue.

Ames, néanmoins vivantes des fusillés de la Commune, des héros de 48, des combattants contre la barbarie nazie, des résistants et des rebelles de toujours.

Joëlle Aubron est aujourd’hui de ces âmes-la, elle est aujourd’hui de ce spectre dont nous ferons tout pour qu’il continue à hanter les pires cauchemars de la bourgeoisie, jusqu’à ce que les exploiteurs en perdent toutes les possibilités de sommeil, jusqu’à ce qu’ils n’en puissent plus, jusqu’à ce qu’ils déposent les armes et disparaissent.

Joëlle Aubron, qui s’est engagée totalement dans la lutte, sous sa forme la plus radicale et la plus dangereuse, fait partie intégrante du mouvement révolutionnaire issu, vers 1973, des ruines du gauchisme et de la débâcle des organisations maoïstes.

Dans les années quatre-vingt, alors que la social-démocratie, portée au pouvoir par l’élan populaire de 1981, commençait, sans surprise, à appliquer son programme de transformation néolibérale, une fois passée l’euphorie des mesures symboliques (suppression de la peine de mort, 39 heures...), Joëlle, avec ses camarades, a tenté de donner une réponse révolutionnaire par la forme de son engagement : la lutte armée. D’une manière quasi générale, les forces politiques de toutes les gauches même les plus radicales, se sont jointes aux voix de la bourgeoisie pour condamner, avec des mots jamais assez forts, la pratique des camarades combattants. Vingt ans plus tard, ces penseurs sont confrontés à leur propre déchéance. Désorganisation des mouvements de lutte, absence de programme révolutionnaire structuré, négation des idées mêmes de la lutte, dénigrement systématique de toutes les expériences révolutionnaires passées.

Pourtant, des émeutes des cités de novembre au mouvement actuel contre le CPE, nous sommes toujours confrontés à la même force anti-sociale.

Comme le dit la chanson, « La violence, elle est partout, c’est vous qui nous l’avez apprise, patrons qui exploitez, flics qui matraquez... »

Combattante révolutionnaire, Joëlle Aubron n’a pas été vaincue. Elle a refusé le reniement, jusqu’au bout.

L’alliance de perversité hypocrite et de barbarie sans limites que la bourgeoisie a manifestées à son encontre, en particulier par les conditions de détention les plus volontairement destructives, a peut-être débarrassé les exploiteurs de la présence physique de Joëlle Aubron. Mais pourquoi cet acharnement ?

Reconnaissons-le avec fierté : parce que Joëlle Aubron était dangereuse.

Imaginons aujourd’hui l’existence d’un mouvement révolutionnaire se donnant les moyens d’être réellement révolutionnaire, c’est-à-dire les moyens de triompher, semblable à celui qui se profilait lorsqu’AD est apparu parmi d’autre groupes combattants. Imaginons une telle existence maintenant que la rage, la désespérance, la colère deviennent majoritaires dans les villes et les campagnes de ce pays ! On comprend que la bourgeoisie ait tout fait pour éliminer Joëlle Aubron, tout comme elle continue à s’acharner contre Nathalie Ménigon, Jann Marc Rouillan, Régis Schlescher, Georges Cipriani et bien d’autres combattants révolutionnaires.

Sa mémoire est et restera dangereuse.

A l’heure même où dans les cités populaires comme dans les rues de la bourgeoisie du Quartier Latin la jeunesse se lève pour la justice et se confronte avec les bandes armées du capital, les mercenaires et les traîtres réformistes de tous poils, la voie ou s’était engagée Joëlle Aubron et ses camarades aura-t-elle ouvert une brèche où les peuples de cet Etat sauront s’engouffrer ? Oui, pour nos peuples, pour la jeunesse qui défile aujourd’hui dans les rues des villes, Joëlle Aubron montre l’exemple. L’exemple du combat par lequel nous pouvons certes encore subir les pires défaites, mais sans lequel il est totalement exclu de remporter la seule victoire historique à laquelle nous devons aspirer : la destruction de l’Etat bourgeois, l’éradication définitive du Capital, la victoire du communisme.

Joëlle, jusqu’au dernier moment n’a jamais renoncé. Elle fait partie de ces êtres humains qui nous montrent par leur courage que la vie est autre chose que ces méandres de tractations et de soumission que l’on nous présente comme le sommum de la pensée humaniste : l’individu libre et démocrate. Au contraire, Joëlle nous montre que la vie est amour et révolution.

A Joëlle Aubron et à ses camarades, salut et fraternité.

Le 18 mars 2006, Paris. Frédéric Oriach Mikel Lapeyre




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